Histoire et patrimoine - Rodelle

Petite histoire de Rodelle et de son église

Rodelle est situé à 18 kilomètres de Rodez, 9 de Bozouls et de Villecomtal.

Le village est édifié sur l’étroite crête d’un long promontoire détaché du plateau calcaire, défendu par des pentes abruptes dominait de 100 à 150 mètres la vallée où coule le Dourdou.

Il faut le voir, un soir d’été, à la tombée de la nuit, de la Côte des Vignes. Il s’enfonce dans les ténèbres comme un bateau fendant l’écume de la mer.

Le travail patient et minutieux des archéologues atteste de la présence de l’Homme dans ce site.

Site de Rodelle avec son Eglise
Site de Rodelle, vue de ciel

Le « tumulus », vers 2500 avant Jésus Christ, remplace le « dolmen » de la fin du Néolithique. A l’Âge de Bronze, succède l’Âge du Fer avec l’arrivée des Celtes et des Cimbres. Venues du Pont Euxin, ces tribus gauloises recherchaient des « oppidums », des sites fortifiés comme Rodelle.

En 511, à la mort de Clovis, ses quatre fils se disputent son royaume. Son fils aîné Thierry reçut en partage l’Austrasie dont faisaient partie les Ruthènes, donc Rodelle. Ansberg, père de Sainte Tarcisse, y fut Maire du Palais, à Metz la capitale.

Au IXème siècle, Rodelle fut le siège d’une viguerie appelée « Vicaria Ruthenulensis ».

L’An Mil vit la révolution des « Milites » : ces cavaliers, seigneurs châtelains, qui vivaient dans leurs châteaux se faisaient entre eux une guerre continuelle, pillant, brûlant les maisons des malheureux paysans sans défense.

Dans cette période de troubles, Rodelle connut, semble-t-il, une évolution plus pacifique. La « Roca » du Viguier était une forteresse naturelle, inaccessible, qu’il suffisait de compléter d’une tour. Frédéric de Gournay en donne la description. « Trois niveaux : en bas une pièce aveugle servant de cellier et souvent de cachot, au premier étage, « l’aula », en haut, « sa caméra ». Sa famille était sans doute reléguée dans la « basse-cour » » (Le Rouergue au tournant de l’an mil, pp. 182-183). Où était-elle située ? Nul ne le sait. Sans doute était-elle adossée au rocher. On voit encore suspendues dans le vide quelques pierres de taille que l’outrage du temps n’a pu séparer du rocher. Elles gardent leur mystère mais permettent à chacun d’imaginer que cet endroit fut le point de départ, le cœur du château, qui existait au XIème siècle

Qui a construit le château de Rodelle ? Son nom nous est inconnu. Mais son existence est attestée par le legs que fit en 1087 l’Évêque de Rodez, Pons d’Etienne, au Monastère de Montsalvy dans le Cantal – annexe de l’abbaye de Saint Victor de Marseille – de l’Eglise de Saint Amans de Rodez et de la Chapelle du Château de Rodelle.

Au XIIème siècle, les Religieux de Montsalvy bâtirent une église à partir du chœur de la chapelle du château pour le service du culte.

Le 14 septembre 1463, Monseigneur Bertrand de Chalençon, en visite pastorale à Rodelle, prescrivit d’en réparer le clocher avant deux ans et d’y faire d’autres réparations. Grâce aux religieux de Montsalvy et aux paroissiens, l’église fut en quelque sorte réédifiée en sa forme actuelle.

Il convient de noter que le clocher qui devait se trouver primitivement à l’avant du sanctuaire, fut transféré sur la façade occidentale, dans un style très particulier que l’on appelle « clocher à peigne », très répandu dans le Cantal, mais peu fréquent en Aveyron.

Extérieur de l'Eglise de Rodelle
Eglise de Rodelle

Placée sous l'égide du monastère de Montsaly au XIème siècle, l'église de Rodelle devint par la suite une annexe de l'église de Maymac, et ce jusqu'au XVIIIème siècle. Au XVIIème siècle, le mobilier de la chapelle du château, abandonné et démoli en 1611, est transféré dans l'église.

L'église de Rodelle se compose de trois parties : le chœur roman avec une abside à cinq pans et un arc triomphal, la nef gothique avec chapelles latérales sur le côté Sud et le massif occidental construit avec de pierres de réemploi à une époque tardive.

 

Eglise de Rodelle avec vue sur le clocher
Eglise de Rodelle avec vue sur le clocher

La nef comportant trois travées est voûtée d’ogives et accotée au midi de trois chapelles :

  • Celle de la travée médiane, aménagée en sacristie parait la plus ancienne.
  • Dans la chapelle de sainte Tarcisse, la statue de la sainte est signée Denys Puech. En face, on peut admirer une belle toile, non signée, non datée, malheureusement cachée par une statue de saint Joseph.
  • Dans la seconde chapelle, celle de Notre Dame de Pitié, se trouve, au-dessus de la porte de la sacristie, un tableau représentant le Christ, signé Chabaud, peintre originaire d’Avignon, daté de 1827. En face, on peut admirer une remarquable piéta en pierre qui serait l’œuvre d’artistes d’Albi au XVIe siècle, ce qui expliquerait sa ressemblance avec celle de Saint Salvy d’Albi.
Intérieur de l'Eglise de Rodelle
Vue sur l'Intérieur de l'Eglise de Rodelle

Le mur qui relie la nef au contrefort de l’arc triomphal paraît avoir été renforcé lors de la consolidation du clocher prescrite en 1463. Peut-être alors jugea-t’on opportun de renforcer l’arc triomphal lui-même, dont il semble qu’on ait réduit la hauteur et l’amplitude, tout en conservant les demi-colonnes engagées et les chapiteaux lui servant de support. Ces chapiteaux sont décorés d’entrelacs de rubans dessinant des boucles sur celui de gauche et des losanges sur celui de droite, des masques humains forment les angles.

L’abside a été altérée par l’élargissement des fenêtre latérales et la construction d’une niche profonde en forme de retable. A droite du chœur, on peut voir la statuette de saint Antoine ermite avec un cochon et, à gauche, celle d’un personnage non identifié portant un livre. Sur le mur, à droite de la nef, se trouve un bas-relief représentant l’Assomption de la Vierge. Il provient de l’église voisine de Véreyrettes, détruite à la Révolution.

On ne peut pas rester insensible à la beauté harmonieuse de cette église, malgré une inscription dans la nef, sous la voûte, mentionnant : « Tremblez dans la maison de Dieu ».

Notre trésor « La Vierge de Pitié »,
La Piéta

« Une Piéta remarquable en pierre, malheureusement peinte » écrit le Cardinal Bourret dans un procès-verbal de 1883. Le corps mutilé du Christ est reçu par sa mère, entourée de Marie Madeleine et de Saint Jean.

Conques honore Sainte Foy, Tarcisse fait partie de notre histoire. « Notre Piéta » est notre fierté, notre trésor.

Cette sculpture polychrome de 0 m 88 de haut, de 1 m 50 de longueur, est ainsi décrite par Jean Gazave, dans son ouvrage sur Le Rouergue : « Le visage de Marie, ses mains jointes, ses paupières baissées s’inclinent vers le cœur qui a cessé de battre. Jean prosterné tient la nuque à deux mains sur un genou relevé et adore la sainte face. Madeleine écroulée étreint un pied que hier elle embaumait d’aromates et pleure sur les stigmates du clou. ».

Gilbert Bou, dans Sculpture gothique en Rouergue, fait une description plus précise. « La Vierge assise dont le visage recueilli est encadré par une guimpe et par les plis du manteau prie, doigts croisés sur le corps de son fils étendu sur ses genoux. Saint Jean agenouillé soutient la tête encore couronnée d’épines. Madeleine à demi-agenouillée sur le sol essuie avec ses cheveux la plaie du pied droit du Christ crucifié. »

Sculpture "La Piéta" à Rodelle
Sculpture "La Piéta" à Rodelle

Cette Piéta, selon Gilbert Bou, aurait été commandée par Pierre Cueyssa, Chanoine de la Cathédrale d’Albi, en 1505 pour la chapelle de Rodelle érigée dans l’église par sa famille.

Elle serait l’œuvre d’artistes d’Albi, ce qui expliquerait les ressemblances avec la Piéta de Saint Salvy. « Ressemblance dans les visages, même arrangement en carré des voiles, même facture et même disposition des plis menus de la guimpe et du pagne ».

Sa composition est équilibrée, harmonieuse. La mère et le fils sont mis en valeur par une forme triangulaire. Dans un trapèze, au deuxième rang, se trouvent Saint Jean et Marie Madeleine.

Gilbert Bou note le caractère particulier du visage de Marie Madeleine, « front découvert et bombé, petits yeux en amande, bouche grêle, menton arrondi sur une mâchoire légèrement empâtée que l’on retrouve dans la Sainte Madeleine de Bourbon-l’Archambault, la Sainte de Saint-Hilaire-la-Croix dans le Puy-de-Dôme mais aussi dans l’Eve de Sainte Cécile d’Albi ».

L’influence de la Renaissance se retrouve dans l’évocation des souffrances du Christ : modèle nerveux des genoux et des coudes, yeux enfoncés, dents légèrement apparentes, pied du christ aux veines gonflées.

La Vierge ne pleure pas, pourtant sa douleur est intense. Faut-il y voir l’influence du stoïcisme grec ou la résignation chrétienne prêchée par François de Salles, l’Evêque de Genève ?

Sculpture "La Piéta" à Rodelle, vue de près
Sculpture "La Piéta" à Rodelle, vue de près

Depuis 2008, la Piéta a retrouvé sa place dans sa niche d’origine. « Cette niche offre un contraste saisissant avec la sculpture qu’elle abrite » écrit Charlotte Riou. « La forme en accolade surmontée d’une crucifixion est banale à cette époque mais l’encadrement orné de fleurs et de motifs végétaux traités très naïvement s’accordent mal avec le raffinement des sculptures ».  (Une histoire toulousaine vers 1500 : Exposition – Musée des Augustins, p 41)

Un détail intéressant mérite d’être signalé. A gauche, un personnage en habit de chœur, à genoux, prie la Vierge. A gauche, un personnage à corps d’animal évoque un diablotin. On peut imaginer qu’il représente le Mal face au prêtre en prière.

« La Piéta a retrouvé sa place originelle dans la chapelle qui lui fut dédiée. Beaucoup de touristes ne jetteront sur elle qu’un rapide coup d’œil. Mais dans la pénombre de cette église endormie, elle demeure l’intercesseur privilégié qui ouvre aux croyants les voies du Salut : une médiatrice à laquelle tous peuvent s’identifier. » (Gilbert Bou)

La restauration du chœur de l'église de Rodelle

2007 : restauration exécutée par une artiste enthousiaste, Mme Biron, à l’initiative de M. Causse, architecte des Bâtiments de France.

  • Reprise de l’enduit et de l’inscription sur l’arc triomphal.
  • Retrait du décor de fausses pierres du mur de la voûte.
  • Reprise du décor roman : ronds et fleurs de cinq ou six pétales.
  • Découverte et dégagement de la peinture : Coq Calice Rapace Croix.
  • Nettoyage de l’appareillage gothique de la croix marbrière de 1616.
  • Dégagement du décor le plus ancien retrouvé sous trois décors et un badigeon blanc : « fleur de lys ocre jaune sur fond ocre rouge ; entrelacs jaunes sur fond bleu clair ; étoiles jaunes sur fond ciel bleu nuit ».
  • Découverte de deux suppliciés : le bon larron avec sur sa tête une colombe et le mauvais larron surmonté d’un diablotin.
  • L’inscription lisible pour un spécialiste : « an 1509 le sieur Antoine de Crozes, Fondateur de messe ».
  • Deux vitraux avec les écussons de 4 évangélistes furent posés dans la nef.
  • Dans la chapelle Sainte Tarcisse, un vitrail portant les armoiries de Monseigneur de la Cour.
Choeur de Rodelle
Chœur de Rodelle

Avril 2008 :

  • Prirent place dans le chœur, des vitraux de style roman dessinés par M. Causse, architecte des Bâtiments de France.
Chœur de Rodelle

La grotte de Sainte Tarcisse

En contre-bas du village de Rodelle, dans la vallée au pied du rocher, se trouve la grotte-sanctuaire où vécut et mourut au VIème siècle, sainte Tarcisse.  Creusée dans le roc calcaire, cette cavité naturelle possède une entrée d'un mètre cinquante de haut sur soixante centimètres de large.

Autrefois source de conflit entre les communautés d'habitants de Rodelle et de Lagnac, elle est aujourd'hui intégrée à la paroisse Notre-Dame-Des-Causses où est maintenu le culte de la sainte mérovingienne avec un pèlerinage qui s’y tient une fois par an, le premier dimanche de septembre.

Tarcisse est née en 525 dans une illustre famille : son père Ansbert, maire du palais des rois d'Austrasie, avait épousé Blithilde, fille de Clotaire 1er.

Promise à un prince barbare de Germanie, elle s'enfuit la veille de son mariage après avoir reçu un message divin et trouva refuge à Rodelle.

C'est cachée dans une petite grotte, que vécut pieusement Tarcisse, nourrie du lait d'une chèvre appartenant à des habitants de Lagnac qui la visitait chaque jour et de l'eau qui s'écoulait dans son abri de fortune.

La légende raconte que le jour de sa mort, un 15 janvier, une aura lumineuse indiqua la grotte qui lui servait d’asile. Les communautés de Rodelle et de Lagnac se disputant son corps, on laissa le choix à Dieu : deux taureaux indomptés furent attelés et libres d'aller où ils voulaient. Le corps de la sainte fut transporté à Rodez où il fut d’abord déposé à l’église Saint-Vincent puis plus tard ces reliques furent transférées à l’église du monastère Saint-Sernin.

Entrée de la grotte de Sainte Tarcisse
Entrée de la grotte de Sainte Tarcisse

Les siècles ont passé sur la grotte de Rodelle, ne modifiant en rien son aspect. On y vient en pèlerinage, depuis les temps les plus reculés, dans l'espoir d'une guérison miraculeuse. Sainte Tarcisse est invoquée par les femmes en couches et par ceux qui souffrent d'affections des yeux et qui guérissent après se les être lavés avec l'eau de la voûte que recueille désormais un bénitier. 

Pendant longtemps, seule une modeste croix de fonte, due à la piété d'un habitant de Lagnac, qu'un habitant de Rodelle fit remplacer en 1882 par une croix de pierre, a signalé aux touristes l'emplacement de la grotte. Depuis 1935, grâce à l'abbé Justin Lagarrigue, curé de Rodelle et de Lagnac, une petite chapelle s'élève à proximité de celle-ci.

Cet édifice a été construit avec les pierres de la vieille église de Vereyrettes, dont il ne reste plus que le chœur mutilé, au flanc d'une colline voisine de Rodelle.

Bénitier dans le grotte de Sainte Tarcisse
Bénitier dans le grotte de Sainte Tarcisse

L’abbé René Pouget, successeur de l’abbé Lagarrigue, a fait placer sur l’autel de cette chapelle une statue en pierre de la Sainte.